Antonia Luciani, Vice-Présidente de Coppieters Foundation.
En avril dernier, se tenait, le « State of the Union », un évènement regroupant chefs d’Etats Européens, Présidents du Parlement et de la Commission, Commissaires Européens, députés, chercheurs, banquiers, entrepreneurs, étudiants etc… Réunis grâce au concours de l’Institut Universitaire Européen, pour deux jours à Florence, l’ensemble des grands acteurs et décideurs européens avaient comme défi d’aborder le futur de l’Union à travers la question de la solidarité. Et quand on connait les difficultés de l’Europe à l’heure actuelle, crise climatique et écologique, crise migratoire, crise financière, chômage, ou encore crise démocratique (euroscepticisme et prisonniers politiques catalans), on peut se dire que le choix de ce thème était pour le moins ambitieux.
La fondation Coppieters, que je représentais à Florence, a participé à plusieurs tables rondes et conférences. Le sentiment qui émerge des débats est que l’Europe traverse une période de doutes. La montée en puissance des partis nationaux eurosceptiques, identitaires et populistes ne fait qu’augmenter ce sentiment d’incertitude. L’esprit européen qui a présidé à sa création est en train de s’échapper entre les doigts de ceux-là même qui continuent à la défendre…
Et quels arguments ont-ils pour la défendre cette Europe ? L’Europe distributive, prospère, contribuant aux échanges entre les peuples et les Nations, garantissant la paix et nivelant par le haut la qualité de vie pour le plus grand nombre… ou est-elle ? Cette Europe qui devrait prendre à bras le corps le problème des migrants, qui par de là la capacité qu’elle a eu à gérer la crise financière, notamment en Grèce, devrait continuer à prospérer loin des égoïsmes nationaux ?
« Il faut une Europe plus politique » s’est attaché à dire Antonio Tajani, actuel Président du Parlement Européen, pour que la « politique prenne le pas sur la bureaucratie ». Qu’à cela ne tienne… car le « politique » dans l’histoire de l’Europe ce sont les citoyens avant tout et donc le Parlement Européen, seule entité élue au suffrage universel direct et non la Commission ou les Etats qui continuent à imposer leurs politiques et leurs visions, souvent nationales, à l’échelle européenne.
Vouloir une Europe des Peuples, c’est avant tout vouloir une Europe avec un Parlement Européen, plus fort, qui représente d’avantage les citoyens.
Vouloir une Europe plus politique, c’est défendre une Europe capable d’affronter la crise migratoire en faisant en sorte que chaque pays assume ses responsabilités et ne joue pas les donneurs de leçon à Bruxelles.
Vouloir une Europe plus courageuse, c’est œuvrer pour une Europe qui propose une médiation entre le gouvernement espagnol et la Catalogne. Pour ne pas imposer aux nouvelles générations de connaitre au sein de l’Europe la présence de prisonniers politiques, comme nous en avons trop connu par le passé et en connaissons encore.
Ce sommet avait des allures de fin de bal, comme si les plus europhiles voyaient s’étioler devant eux le projet européen auquel ils avaient cru sans qu’ils puissent lui porter secours.
Quelles solutions pour faire espérer, pour montrer aux gens, dans leur vie de tous les jours que l’Europe a un sens, qu’elle contribue à leur bien-être et aussi qu’elle est un vecteur d’émancipation ? Les convictions : celles qui, du plus profond, tendent à montrer que le seul objectif d’une vie ne peut être l’atteinte d’un bien-être personnel. Nous ne pouvons, nous, nouvelles générations d’européens, accepter ce défaitisme ambiant !
Il faudra se battre, au milieu des eurosceptiques et des partis politiques nationaux traditionnels pour défendre l’Europe que nous voulons. Une Europe des peuples, et non une Europe des Etats ; une Europe qui défend et protège sa diversité culturelle et linguistique ; une Europe qui ne laisse pas des Etats seuls face à des problèmes majeurs, tels que la question de l’accueil des migrants ou des crises monétaires, mais une Europe solidaire ; et enfin une Europe qui accepte de traiter la question écologique et du changement climatique, pour prévenir l’impact de celui sur les territoires et les futures générations.
A un an des élections européennes, ce congrès avait aussi pour vocation de rappeler que l’Union Européenne est indispensable, et que la notion de solidarité est constitutive de son identité. A nous, de faire vivre le projet européen, et de défendre cette Europe qui puisse garantir à nos peuples et nations sans Etats le droit d’exister, de prospérer, et de contribuer à la construction d’une identité européenne ouverte et plurielle.
Antonia Luciani
Vice-Présidente de la Fondation Coppieters