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News / 21.2.13

Luciani: “Le combat politique pour les langues doit être mené à tous les niveaux”

Antonia Luciani, conseillère de l’Alliance Libre Européenne en culture et éducation jusqu’à 2012, repond au CMC lors de la Conférence 2013 de l’NPLD à Bruxelles.

Antonia [Luciani], quelle était le sujet de la Conférence NPLD 2013 ?

Alors que la liste des langues en danger dans le monde ne cesse de se rallonger, la Conférence annuelle du NPLD, réseau de promotion de la diversité linguistique, était consacrée cette année aux langues menacées de disparition en Europe.

Qu’entend-t-on par langues en danger ?

L’UNESCO, à travers son Atlas mondial des langues en danger, estime qu’il existe aujourd’hui plus d’une centaine de langues menacées de disparition au sein de l’Union Européenne. Ces langues n’ont pas toutes le même degré de vitalité, certaines pouvant encore espérer être parlées par plusieurs générations alors que d’autres se rapprochent à grand pas d’une extinction pure et simple.

Pour ce qui est de la langue corse, celle-ci est classée dans la catégorie des langues en danger dont la principale source de déclin est due au fait que les enfants n’apprennent plus la langue comme langue maternelle à la maison.

Les experts scientifiques sont unanimes : sans politique de revitalisation linguistique, les langues en danger sont vouées à disparaître à plus ou moins court terme.

Quelles possibles solutions y’a-t-il pour qu’une réelle diversité linguistique voie le jour au sein de l’Union Européenne ?

Les présentations des experts et les échanges de bonnes pratiques lors de la conférence ont permis de dégager deux éléments indispensables pour qu’une langue continue à être vivante.

En premier lieu il s’agit au niveau local, d’avoir une stratégie de revitalisation de la langue qui ait des objectifs clairs à atteindre et que cette stratégie soit soumise à une vérification de son cycle tous les 6 ou 8 ans pour que les communautés linguistiques soient capables d’identifier les lacunes de la stratégie ou à l’inverse les réussites de celle-ci. Si l’application des stratégies est inconsistante, peu visible pour la population et portée seulement par les décideurs politiques sans réelle consensus de la population, alors celle-ci est vouée à l’échec.

Le deuxième point a été abordé par le professeur Colin Williams de l’Université de Cardiff qui soulignait l’importance de faire coordonner les politiques locales, nationales et européennes. Selon le professeur “il n’y a pas une bonne stratégie, mais plutôt des stratégies, qui correspondent aux besoins et aux caractéristiques des langues concernées.” Une bonne combinaison serait tout à la fois d’établir une stratégie de revitalisation au niveau local, de bénéficier d’un encadrement législatif et d’une valorisation de la diversité linguistique au niveau national et de programmes européennes spécifiques qui ciblent d’avantages le cas particulier des langues menacées de disparition.

Le combat politique doit donc être mené à tous les niveaux si l’on veut avoir le plus de chances de voir l’inexorable déclin s’enrayer.

Le député européen François Alfonsi a présenté lors de la conférence un rapport concernant les langues en danger. Quel est le contexte de ce rapport ? A-t-il été bien reçu ?

François Alfonsi, co-président de l’Intergroupe du Parlement européen pour les Minorités Traditionnelles, les Langues et les Communautés Nationales, a présenté les fondements de son rapport sur les langues menacées de disparition aux différents partenaires européens et membres du réseau NPLD. Tous ont accueilli très favorablement la démarche entreprise par le député européen d’appréhender la question des langues en danger sous un angle patrimoniale. Selon François Alfonsi “la matière première de l’Union Européenne est sa diversité linguistique et culturelle qui constitue un gisement d’une valeur inestimable en terme de créativité et de développement d’activités culturelles et économiques.” Le rapport cible une catégorie particulière de langues en Europe, celles qui ont le plus besoin d’attention car en danger, et qui bénéficient le moins des programmes européens.

François Alfonsi a conclu son intervention en rappelant que son rapport “avait pour objectif d’attirer l’attention de la Commission Européenne sur le problème spécifique des langues en danger et d’insister sur la nécessité de créer au niveau européen une architecture structurée de promotion de la diversité linguistique plutôt que de se contenter de mesures éclatées qui ne sont pas satisfaisantes en termes de résultats.”

On entend beaucoup parler du multilinguisme : sommes-nous sur la bonne voie ?

Comment peut-on espérer sauver des langues dites “régionales, minoritaires, ou moins répandues” lorsque pour la Commission et les Etats membres, le multilinguisme est avant tout la promotion des langues officielles des Etats?

Dans une certaine mesure les 27 langues européennes officielles des Etats, peuvent se considérer comme menacées, soit par des logiques de suprématie culturelle et financière dont l’anglais est la principale menace ou encore par des logiques d’évolution démographique dont l’expansion du chinois est le plus emblématique.

Mais cet argument biaisé, souvent utilisé par la Commission pour éviter le problème des langues réellement menacées de disparition aujourd’hui, doit être désamorcé, notamment grâce au réseau NPLD, pour que le terme “multilinguisme” donne toute sa place aux langues traditionnellement parlées en Europe, dont là plupart étaient présentes bien avant la création des Etats.

Jannewietske de Vries, Meirion Prys Jones, Antonia Luciani
From left to right: NPLD’s Jannewietske de Vries and Meirion Prys Jones, plus Antonia Luciani

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